Ben Affleck en Batman : les cinq actes d'une légende

Il n'aura fallu qu'un film à Ben Affleck pour marquer les esprits en incarnant le Chevalier Noir. Cependant, il en aura fait cinq ! À croire que la cape et les accessoires de la plus célèbre des chauves-souris étaient pour lui comme une seconde nature. Si le choix de l'acteur et ses performances ont longtemps suscité des débats passionnés, son parcours dans ce rôle complexe a donné une nouvelle voie aux interprétations de Batman sur grand écran.

Dans cet article, nous analyserons les films les plus marquants qui ont vu Ben Affleck endosser le costume de Batman, et l'évolution du personnage vers un super-héros au caractère sombre et toujours plus épique.

L'héritage du Chevalier Noir et l'arrivée de Ben Affleck

Un acteur attendu au tournant

Plus qu'un super-héros aux gadgets improbables, Batman est une légende du cinéma, et avant cela, de la culture pop et des bandes dessinées. Sur grand et petit écran, ses incarnations sont scrutées par les fans, qui vont tantôt les acclamer, tantôt les rejeter avec vigueur. Cela tient au statut de Batman, son aura unique qui fait qu'il n'appartient vraiment à aucun acteur et aucun réalisateur. Tous ne peuvent qu'emprunter ses traits et son histoire, et parfois à leur détriment. À l'écran, depuis la série télé kitsch des années 60 avec Adam West, jusqu'aux films mettant en scène l'illustre Christian Bale, les fans attendent au tournant chacune des oeuvres qui a l'audace de se présenter devant eux.

Ainsi, quand Ben Affleck est annoncé dans le rôle de Batman pour Batman v Superman : L’Aube de la justice en 2013, les attentes sont immenses. La réaction, pourtant, en restera mitigée, et sur les réseaux sociaux, on verra fuser les critiques. Ben Affleck est-il alors encore trop attaché à l'image de Daredevil (2003), autre héros torturé dont il a joué le rôle ? Toujours est-il que personne à l'époque ne le voit rivaliser avec l'interprétation de Christian Bale dans la trilogie The Dark Knight.

Ben Affleck : acteur, réalisateur et un choix controversé pour Batman

Ben Affleck n'est pas étranger aux controverses. D'abord, on peut mentionner le Ben Affleck sulfureux, interdit de certains casinos, baignant dans des scandales et addict à l'alcool. En tant qu'acteur et réalisateur, sa carrière aussi est faite de hauts et de bas. Sorti de l’ombre grâce à des films comme Good Will Hunting (1997), pour lequel il a remporté un Oscar avec Matt Damon (meilleur scénario original), il a aussi traversé le désert avec des échecs critiques, comme Gigli (2003). Pourtant, son retour en tant que réalisateur avec des films acclamés comme Argo (2012), qui a remporté l'Oscar du meilleur film, a démontré qu'il était un artiste multifacettes et pouvant gérer des projets d'envergure.

En le choisissant pour incarner Batman, le réalisateur Zack Snyder croyait en son physique imposant et sa maturité, pour incarner un justicier plus âgé, voire usé. Exit donc, la version jeune et moins sombre des précédents opus, qui avaient mis en avant la chauve-souris justicière.

Acte I : Batman v Superman - Une entrée en scène sombre et violente

Le contexte et la réception du film

Réunir les deux plus grands super-héros de l'histoire dans un seul et même film, et les faire s'affronter pour en dégager un vainqueur, n'est chose aisée pour personne. Mais c'était la tâche de Zack Synder, et son film devait aussi poser les bases du DC Extended Universe (DCEU), qu'on voulait voir défier les films Marvel ! C'est vous dire le contexte tendu dans lequel est sorti Batman vs Superman, en 2015.

Le film, s'il est un succès commercial, reçoit des critiques mitigées. Son ambiance jugée trop sombre (dont Snyder voulait faire un point fort!), son scénario chargé, alors que le film dure plus de deux heures et demie, ne convainquent pas la majorité des fans de Batman. De même, Ben Affleck est considéré comme offrant une interprétation trop froide par plusieurs d'entre eux, même si en France, Le Parisien, Cnews ou encore Les Inrocks saluent son jeu d'acteur. Il va sans dire que ce baptême du feu n'est donc pas une franche réussite pour l'ex-Daredevil, bien qu'il y ait gagné ses galons pour des interprétations ultérieures.

L’interprétation de Bruce Wayne par Affleck : un Batman brisé

Alors sur quoi se base cet accueil édulcoré ? Car la prestation de Ben Affleck ne manque pas d’intérêt du point de vue de l'évolution qu'elle apporte à Batman. Là où les précédents Bruce Wayne (notamment ceux de Michael Keaton et Christian Bale) étaient souvent montrés en pleine possession de leurs moyens, le Bruce Wayne de Ben Affleck est un homme brisé, désabusé par des années de combats, de pertes et de souffrances. Ici, Batman est un cynique, un implacable; il utilise la violence plus souvent qu'autrement pour arriver à ses fins.

Cette transformation se retrouve d'abord dans son physique imposant, à la carrure massive, qui évoque parfois plus le viking que le ninja ou le combattant d'arts martiaux originel. Les coups portés par Batman sont lourds et il est un peu moins agile, comme s'il était monté de catégorie en boxe, et que sa vitesse était reléguée au second plan. Cette mue sert à mettre l'accent sur un âge plus avancé que dans les versions classiques.

Aussi, Ben Affleck incarne un Batman plus distant, à la connexion émotionnelle peu fouillée, voire éteinte, avec ses alliés traditionnels et ses adversaires. C'était voulu, se défendra Zack Snyder ! Toujours est-il que cette adaption du Chevalier Noir sera boudée par une partie du public.

Vous êtes vous déjà posé la question de votre propre performance, dans le costume de la chauve-souris ? Pour oser le faire en direct, quoi de mieux que de tenter un escape game ultime ?

Acte II : la Justice League, l'échec d'une nouvelle vision

Les difficultés de production et l’impact sur le personnage

Point culminant du DCEU, Justice League, en 2017, devait permettre à Ben Affleck une revanche sous les traits de Batman, en compagnie d'autres super-héros : Aquaman, Superman, Wonder Woman ou encore Flash. Cependant, le tournage du film a été perturbé par le départ de Zack Snyder des rênes de la production, remplacé au pied levé par Joss Whedon. Celui-ci, qui avait déjà fait ses preuves avec Avengers, a mélangé sa propre vision, moins obscure, avec celle de son prédécesseur. Ses films étaient effectivement réputés pour mettre en avant un humour pince-sans-rire. Peut-être est-ce cela qui rendra si contrasté le personnage de Batman/Bruce Wayne, soudain devenu beaucoup plus léger et sarcastique... Cependant, cela n'évitera pas au film une nouvelle avalanche de critiques négatives, et Ben Affleck ne sera pas épargné.

"Que veulent les fans?" pourrait-on alors se demander. Peut-être que ce changement de ton de la part de Batman, incarné par le même acteur, brouillait les pistes et n'était pas une bonne solution. Peut-être aussi est-ce le jeu de Ben Affleck, qui simplement n'était pas fait pour convaincre dans cet opus. Pour beaucoup, il est en effet apparu dans le film comme en retrait et fatigué par le processus.

Acte III : Le Snyder Cut, ou la renaissance de Batman

L'envie d'un film "rédempteur"

La déception généralisée amenée par Justice League a donné un tremplin pour voir un nouveau Batman émerger des mains de Zack Snyder. Deux ans jour pour jour après la sortie du film, le hashtag #ReleaseTheSnyderCut (« sortez la Snyder Cut ») est tweeté près de 200 000 fois. Plusieurs acteurs du long-métrage manqué, au premier rang desquels Ben Affleck lui-même, font pression pour que justice soit rendue au travail de Snyder. C'est ainsi qu'en 2021, le Zack Snyder's Justice League voit enfin le jour sur HBO Max, à travers un long-métrage de quatre heures, fidèle à la vision originelle du réalisateur. Ce film, au grand soulagement de beaucoup, redonne enfin à Batman une profondeur et une inspiration qui faisaient avait fait défaut dans l'adaptation de Whedon.

Dans cette Snyder Cut, donc, Ben Affleck retrouve ses traits complexes et ses questionnements intérieurs. Le Chevalier Noir n'est plus seulement un chef d'équipe désabusé, mais un homme en quête d'un nouveau départ, qui cherche sa rédemption. Voulant, une fois de plus, sauver la planète d'une menace apocalyptique, il met en place une équipe de métahumains faisant face eux aussi à des stigmates cachés. Dans ce film, les doutes, les réflexions d'un Ben Affleck plus nuancé renforcent son humanité. La scène où Bruce Wayne présente ses excuses à Wonder Woman pour ses erreurs passées le montre vulnérable, dans une atmosphère épique qui enrichit cette figure tourmentée.

Acte IV : L'impact culturel et les critiques : un Batman incompris ?

La réception par la critique et les fans

Comme beaucoup d'acteurs endossant un costume iconique, Ben Affleck n'a pas fait l'unanimité et a oscillé entre éloges et critiques. On pourrait arguer que sa version de Batman était pourtant proche de celle de certains comics, notamment The Dark Knight Returns, de Franck Miller. Le Protecteur de Gotham y est aussi représenté comme un justicier à la retraite, quinquagénaire aigri, désabusé et passablement plus violent que dans la plupart des autres oeuvres.

On a eu beau jeu de comparer Christian Bale à Ben Affleck, valorisant la dimension émotionnelle et psychologique bien exploitée par le premier, par rapport au jeu plus dur et froid du second. Dans la trilogie de Christopher Nolan, en effet, Batman est un héros imparfait, tiraillé entre ses devoirs de justicier, sa vie personnelle et ses démons intérieurs. Et si l'on compare à Ben Affleck, ce dernier semble moins "humain", plus centré sur sa mission de sauver le monde.

La sortie du Snyder Cut devait mettre fin à ce débat, ce long-métrage devant redonner ses lettres de noblesse à un Batman plus psychologique et humain ! Mais pour beaucoup, le jeu de Ben Affleck ne valait toujours pas celui de Christian Bale. L'essence de Bruce Wayne, donc, ne serait pas captable par n'importe qui !  

Et si l'on comparait aux autres interprètes de Batman ?

Oublions un instant Christian Bale, et penchons-nous de façon plus générale sur les acteurs ayant incarné Batman. Michael Keaton, Val Kilmer, Robert Pattinson, George Clooney, n'ont pas reçu non plus de critiques unanimes pour leur interprétation... On peut pourtant les saluer pour avoir pris des risques, Michael Keaton présentant un héros énigmatique et excentrique, par exemple. Georges Clooney, de son côté, a catégoriquement refusé de reprendre son personnage de Batman aux "tétons en latex", tant l'expérience et le tombereau de critiques négatives sur son interprétation l'ont traumatisé !

La nouveauté de Ben Affleck au cinéma est qu'il a été le premier Batman à incarner une version plus âgée. Ceci constituait un élément scénaristique important, car là où les autres Batman étaient au début de leur carrière de justicier, celui de Ben Affleck se situait plutôt dans une période post-traumatique, marquée par la perte de Robin et l'abandon de ses idéaux moraux du début. Cette dimension "vétéran", on l'a bien vu, était à double tranchant et trop éloignée des standards du grand public.  

Acte V : Le futur de Ben Affleck en Batman, fin ou renouveau ?

Les rumeurs et son éventuelle réapparition dans l'univers DC

Depuis la sortie de la Snyder Cut en 2021, on n'a revu Batfleck (vous avez compris le mot-valise) qu'une fois au cinéma: dans The Flash (2023), où une scène d'entrée d'anthologie montre un Batman semi-barbu mener à bien une course-poursuite, qui dérape, avant l'intervention de Wonder Woman. Et ce sera tout ! Alors que les rumeurs circulaient sur le potentiel retour de Ben Affleck en Chevalier Noir, on ne l'aura pas vu davantage. Il avait bien mentionné, en 2019, que des raisons personnelles (liées notamment à sa santé mentale) l'écarteraient désormais du costume de la chauve-souris. Le côté sombre du Batman incarné à l'écran a-t-il eu raison de l'acteur ? On connait d'autres cas où des acteurs, fondus dans le rôle de leur personnage, ont fini par en payer le prix...

Au début des années 2020, on entendait de nouveau la rumeur d'un film avec Ben Affleck centré sur le personnage de Batman. Finalement, le projet a été repris par Matt Reeves, avec Robert Pattinson dans le rôle-titre. Comme si le Batman vieillissant de Ben Affleck, et même grisonnant, si l'on croit la version de 2023, était pour le moment écartée des radars. On le sait, Robert Pattinson est un Batman plus glamour et lisse, au sens où il n'a pas les rides de son aîné !

Ben Affleck pourrait toutefois revenir dans un concept de multivers, déjà explorés par Marvel avec Spider-Man: No Way Home et Doctor Strange in the Multiverse of Madness. En effet, ces concepts permettent de maintenir différentes incarnations de Batman, dont, pourquoi pas, une version "mentor" et "vétéran", passeuse de flambeau. Après tout, on a bien vu James Bond, en fonction des acteurs, reprendre un coup de jeune après avoir pris un coup de vieux ! En attendant de voir le Chevalier Noir s'appuyer sur une canne comme son vieil Alfred (et peut-être le remplacer, qui sait?), attardons-nous finalement sur l'impact de ce rôle dans la carrière de Ben Affleck.

Le rôle de Batman dans l'héritage cinématographique de Ben Affleck

Ben Affleck (mais pas que lui) se souviendra longtemps du rôle de Batman qu'il a incarné pendant cinq films. Les controverses et les critiques, malgré elles, auront participé à laisser cette empreinte, car elles ont ravivé un débat sur ce que doit être le Chevalier Noir. Doit-il évoluer ? Dans quel sens, et jusqu'où ? Pour Ben Affleck, la pression immense de la part du public lui a valu des hauts et bas, mais il y a fort à parier que sa carrière d'acteur est sortie renforcée de ce rôle unique. Alors non, il ne reste pas comme un Batman "de référence", laissant ce rôle à Christian Bale, ou à d'autres, mais sa vision différente aura osé l'antihéros plus que tout autre. Et dans un univers cinématographique où la prise de risques peut être fatale à une carrière, cette audace mérite d'être soulignée.   

Que l’on ait aimé ou détesté son incarnation du Chevalier Noir, on ne peut nier que Ben Affleck a contribué à réinventer, pour une génération, l’un des personnages les plus emblématiques de l’histoire du cinéma. Nul ne sait, à l'heure actuelle, s'il reviendra dans ce costume pour nous ravir et nous faire frissonner. Après tout, le monde des supers-héros a ceci de particulier que rien n'y est impossible. Alors, pourquoi pas, un jour, voir un Ben Affleck nonagénaire, incarnant le Batman ultime, celui que personne ne critiquerait ?